Vin rouge

Bois. Bois donc. Bois sans hésiter
Bois jusqu’à déboire
Le marchand d’eau de vaisselle rouge
A besoin de vivre
Bois. Oui bois sans regarder à la dépense
Sans te soucier
De ta vieillesse.
Tu sais bien que l’État français
Est généreux à l’égard des tiens.
— Quand tu n’auras plus rien à boire.
Quand tu ne feras plus que vomir.
Après que tu te seras bien ruiné
On t’enverra là-bas
(Dans la maison de sevrage)
L’État français te prendra en charge.
Oh, ne te fais pas de mauvais sang
Là-bas on peut censément
(En passant par le surveillant)
Se procurer encore du rouge.
Et du doux, et du fort.
Là-bas tu gagneras même une petite rente
Quand tu rentreras chez toi
(Il faut faire de la place aux autres)
On te fera une pension — incapacité de travail —
L’État français est tellement généreux !

— Et toi, mon pauvre imbécile de Yann !
Levé trois heures avant le jour.
Une journée que tu dois prolonger
De trois heures aux dépens de la nuit
Toi mon cher Yannig trop sage
Ou trop bête
Qui vis de patates et de lait,
D’eau de génisse et de cognac de vache
(Accompagnés d’un peu de sang de pomme)
Tu paieras sans broncher force impôts
À l’État français si généreux qui pensionne
Les buveurs d’eau de vaisselle rouge.
Pour qu’ils dorment, fument
Et se moquent de toi, sacré lépreux
Qui trime tout le jour
Sur un bout de terre
Que tu as payé trop cher
À l’ivrogne
Quand celui-ci buvait sa rente :
L’héritage de ses parents.

Tout de même je te défends toi l’ivrogne
De t’approcher de moi
De me bredouiller
Des mots sortis du trou de ton cul
Parce que, comme tu le sais, je n’ai pas été
À l’école de la patience…

5 janvier 1965

(Traduction Paol Keineg)

Ce poème en breton