Si jécris à lombre de ma lampe
Des vers maladroits et creux
Avec ce petit outil mal assuré dans ma main lasse
Si jécris le soir au dos denveloppes
Des poèmes humbles : camelote
Où lon ne trouve que des fleurs sauvages
Et quelques miettes damour.
Car tout cela je le fais pour ceux que jaime.
Mais jécris, moi, dautres poèmes
Et ce nest pas à lombre de ma lampe
Mais à la lumière du soleil
Ce nest pas au dos denveloppes
Mais sur la poitrine nue de Celui que jaime
Sur la peau nue du Pays que jaime
Ce nest pas avec un outil que jécris
Mais avec des instruments dacier.
Je ne parle pas de lance ou dépée
Mes instruments sont de paix et de culture.
Je nécris pas des vers de douze pieds
En comptant sur mes doigts
Mais de douze fois douze enjambées
et plus.
Mes vers, je les écris avec lacier tranchant de ma faux
Andain après andain dans les cheveux blonds de mon Pays
Le soleil en fait des poèmes aromatiques
Que mes vaches ruminent pendant les nuits dhiver
Mes vers je les écris avec le soc de la charrue
Dans la chair vivante de ma Bretagne, sillon après sillon
Jy dissimule des graines dor
Le Printemps en fera des poèmes :
Mers démeraude ondulant dans la brise
Lété en fera des étangs dépis
Le vent daoût les mettra en musique
Et le chur de la batteuse me chantera
Les journées ardentes du huitième mois
Les journées de peine de poussière de sueur.
Mes Poèmes sacrés et
méprisés !
Janvier 1966
(Traduction Paol Keineg)